Moscou estime leur composition déséquilibrée et dit user de son véto pour former des groupes impartiaux, neutres et indépendants. Objectif : contrer les leviers diplomatiques Occidentaux dans la lutte d’influence qui les oppose à la Russie en Afrique.
Les experts de l’ONU, membres de comités d’experts et de sanction affectés en Centrafrique, en République démocratique du Congo, au Mali et au Soudan du Sud sont réduits à l’immobilisme. Leurs missions : contrôler les embargos sur les armes ou recommander des sanctions contre des officiels, ont des conséquences politiques certaines dans un contexte de lutte d’influence entre d’une part, les alliés occidentaux, et d’autre part, la Russie et la Chine, en Afrique.
Pointée du doigt pour bloquer le processus de composition des comités d’experts de l’ONU depuis plusieurs semaines, la Russie s’explique en leur reprochant leur manque de représentativité géographique. De plus, Moscou accuse les membres de ces comités de ne pas satisfaire les critères d’impartialité et d’indépendance exigés. La Russie estime que ce déséquilibre impacte les conclusions de ces comités qui, dès lors, sont discrédités.
Calomnier la Russie et punir la Centrafrique d’avoir choisi Moscou ?
« Cette publication calomnieuse fondée sur des preuves fabriquées et non vérifiées est une stratégie qui vise d’abord à saper le moral de nos troupes, mais aussi à amener les Nations unies à prendre des sanctions contre les alliés russes, dont la mission de rétablissement de l’autorité de l’État compromet assurément l’action des rebelles qui sévissent dans nos provinces. »
Rameaux-Claude Bireau, ministre Centrafricain de la Défense nationale
La Russie considère qu’il existe un lien de causalité entre la composition de ces comités et leurs conclusions, souvent favorables aux intérêts occidentaux. Moscou n’a pas apprécié les récents rapports des experts de l’ONU en Centrafrique qui épinglent les « violations du droit international humanitaire » commises par les forces armées centrafricaines et des mercenaires russes. « Il s’agit là d’une volonté manifeste de ternir par tous les moyens l’image de notre institution militaire alors que celle-ci continue de consentir d’énormes sacrifices pour restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire », avait réagi Rameaux-Claude Bireau, ministre Centrafricain de la Défense nationale, dans un communiqué, après un rapport onusien paru en juin dernier. « Cette publication calomnieuse fondée sur des preuves fabriquées et non vérifiées est une stratégie qui vise d’abord à saper le moral de nos troupes, mais aussi à amener les Nations unies à prendre des sanctions contre les alliés russes, dont la mission de rétablissement de l’autorité de l’État compromet assurément l’action des rebelles qui sévissent dans nos provinces. », poursuit le communiqué.
Les « alliés russes » ici évoqués, sont les paramilitaires de Wagner, société appartenant à Yevgeny Prigozhin, homme d’affaire réputé proche de Vladimir Poutine. Bien que Moscou réfute toute proximité avec Wagner, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a directement interpellé la Russie, lui réclamant de « mettre fin immédiatement à la violence. » et a évoqué des « mercenaires travaillant comme le bras armé du ministère russe de la Défense ».
Depuis fin décembre 2020, la présence des paramilitaires de Wagner aux côtés des forces centrafricaines a permis à Bangui de regagner sa souveraineté sur une large partie des territoires jusque là occupés par les rebelles.
L’enjeu est géopolitique et économique. La Centrafrique a accordé à des entreprises russes des permis d’exploitation miniers, notamment de son or et de ses diamants. La crainte de l’Union européenne, principalement de la France et des Etats-Unis, est de voir le scénario centrafricain se répéter au Mali, voire au-delà. Ainsi, tous les leviers diplomatiques sont activés par les alliés pour empêcher l’effet de contagion, pourtant inéluctable. Moscou de son côté, active les siens pour les contrer.
Teria News