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Till : le combat d’une mère, détonateur du mouvement des droits civiques  

Le martyr de son fils de 14 ans aux mains de suprémacistes blancs est le détonateur du mouvement des droits civiques, mené par Martin Luther King Jr. Actuellement en salles, Till raconte le combat de Mamie Till-Mobley qui a, 67 ans plus tard (2022), abouti à la reconnaissance du lynchage comme un crime de haine fédéral aux États-Unis.  

À 14 ans, Emmet a peu connu la haine brutale et sans filtre du Sud des États-Unis. Trop peu pour sa mère, réticente à le laisser voyager dans le Mississipi, empreint de réalités dont Emmet n’a aucune notion. Le jeune garçon a en effet grandi à l’ombre de l’amour de sa mère et de la liberté dont il jouit dans la ville de Chicago, où les Noirs n’ont pas à s’écraser devant les Blancs. C’est à contrecœur que Mamie Till-Mobley permet toutefois à Emmet de quitter sa présence bienveillante pour passer du temps avec ses cousins du Sud à Money. Nous sommes en août 1955.

Emmet et Mamie Till

Alors qu’il complimente Carolyn Bryant, la gérante d’une épicerie pour sa beauté, Emmet aurait commis l’impair de la siffler. Une accusation qui, quelques heures plus tard, lui coûtera la vie. Carolyn Bryant s’empare alors d’un pistolet qu’elle gardait dans sa voiture et menace Emmet comme ses camarades. Les garçons s’empressent de prendre la fuite, mais leur répit sera de courte durée.

Quatre jours plus tard, deux hommes, Roy Bryant, époux de Carolyn accompagné de son demi-frère J.W. Milam, enlèvent Emmet au beau milieu de la nuit. Conduit dans le hangar d’une plantation, le jeune garçon y est sauvagement torturé avant d’être exécuté. Son corps est jeté dans la rivière Tallatchie.

Exposer le corps pour mobiliser la communauté noire

L’acteur Jalyn Hall dans le rôle d’Emmet Till (avec les vrais Emmet et Carolyn en bulle)

Défiguré, Emmet n’a été identifié que grâce à une bague présente à son doigt et portant les initiales de son père, mort au front pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le corps qu’elle a voulu exposer aux regards de tous, en particulier à ceux de sa communauté malgré son état de dégradation avancé, les Noirs américains ont vu, comme dans un miroir, le reflet de leur condition et l’urgence d’une mobilisation contre la haine raciale et ses relais institutionnels.

La bravoure de Mamie Till-Mobley et les témoignages recueillis contre les frères Bryant-Milam n’infléchiront pas un appareil judiciaire acquis à l’idéologie suprémaciste : en à peine une heure et demie, un jury composé d’hommes Blancs acquitte les accusés. Mais particulièrement médiatisé, le procès laissera une trace indélébile dans les esprits. Une trace qui, quelques années plus tard, servira de détonateur au mouvement des droits civiques.  

Un « Avant » et un « Après » Emmet Till 

« Après plus de 200 tentatives infructueuses d’interdire le lynchage, le Congrès réussit enfin à prendre une mesure attendue depuis longtemps en adoptant la « loi anti-lynchage Emmett Till » », Chuck Schumer, chef de la majorité Démocrate au Sénat

Quelques semaines plus tard et en échange de 4000 dollars, Bryant et Milam, qui ne risquaient alors plus rien, ont finalement accepté de raconter au magazine Look comment ils ont torturé et tué Emmett.  

Deux mois après le procès des meurtriers d’Emmet, Rosa Parks refusait de céder sa place à un homme Blanc dans un bus de Montgomery, en Alabama, enclenchant l’inarrêtable mouvement des droits civiques, mené par le révérend Martin Luther King Jr.

Ce n’est que 67 ans plus tard, en 2022, que le Congrès américain adopte une loi visant à faire du lynchage un crime de haine fédéral dans le pays.

Teria News

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