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Nigeria : Muhammadu Buhari critique les frontières tracées par les puissances coloniales

Le président Nigérian, Muhammadu Buhari, a dénoncé le tracé géométrique des frontières africaines par les ex-puissances coloniales. Alors que le Nigeria finance le chemin de fer liant les localités de Kano, au Nigeria, à Maradi, au Niger, Muhamamadu Buhari rappelle la fraternité historique entre ces peuples de part et d’autre de la frontière.

Rare sortie du président Nigérian Muhammadu Buhari à la télévision. Alors qu’il est critiqué pour le financement jugé dispendieux d’un chemin de fer (lancé le 9 février dernier) devant relier la ville de Kano, au Nigeria, à Maradi, au Niger, Muhammadu Buhari a répondu à ses opposants. Ces derniers lui reprochent d’avoir entériné le décaissement de près de 2 milliards de dollars, soit la totalité du budget du projet, pour un chemin de fer qui profitera aussi au Niger.

En réponse à ces attaques, Muhammadu Buhari rappelle la réalité anthropologique de l’unité des peuples de part et d’autre des frontières héritées de la colonisation. C’est en effet lors de la conférence de Berlin (novembre 1884 – février 1885) que les puissances coloniales ont arbitrairement tracé les frontières des actuels États africains, séparant des ensembles ethniques, linguistiques et religieux.

Mais pour Abuja, il s’agit avant tout d’un investissement visant à profiter du pétrole nigérien et à créer des emplois pour les Nigérians en court-circuitant au passage le Bénin. « Comme vous le savez, le Niger a aussi découvert du pétrole et nous ne souhaitons pas le voir passer par la République du Bénin. Nous voulons qu’il transite par le Nigeria. Nous espérons qu’ils se décideront, lorsque nous aurons un chemin de fer jusqu’à Maradi, de faire transiter leurs exportations par le Nigeria plutôt que par le Bénin. Parce que, si les chemins de fer et les routes fonctionnent de Maiduguri à Port Harcourt, de Kano à Lagos ainsi de suite, les gens seront très occupés et je crois que si nous rendons opérationnels les infrastructures, les routes, les rails, je vous assure que les Nigérians seront très occupés et vous laisseront en paix. », a poursuivi Muhammadu Buhari.

« En 1885, vous vous êtes assis et vous avez tracé des lignes »

« Je vous ai dit que la frontière entre nous et le Niger est de 1 500 kilomètres, a indiqué Buhari. J’ai parlé à un Français et j’ai dû lui dire cela. Il a dit n’importe quoi et je lui ai dit : ‘Écoutez, en 1885, vous vous êtes assis et vous avez tracé des lignes. J’ai dit que j’avais des cousins germains au Niger. Il y a des Kanuris, il y a des Hausas, il y a des Fulanis en République du Niger tout comme il y a des Yoroubas au Bénin. On ne peut absolument pas être coupés d’eux », a déclaré le président Nigérien.

Lord Salisbury, Premier ministre de Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle, rendait ainsi compte de l’action des puissances coloniales : « Nous avons entrepris de tracer sur les cartes des régions où l’homme blanc n’avait jamais mis le pied. Nous nous sommes distribué des montagnes, des rivières et des lacs, à peine gênés par cette petite difficulté que nous ne savions jamais exactement où se trouvaient ces montagnes, ces rivières, ou ces lacs », avait-il alors admis.

C’est par exemple au nom de la rivalité entre empires coloniaux que le Royaume de Kongo a été partagé en deux par la France et la Belgique. L’Egypte telle que dessinée actuellement était bien plus vaste. Avant la conférence de Berlin, elle incorporait en effet le Soudan, une partie du Tchad, de l’Érythrée et de la Somalie. Quant à la Gambie, elle a dû être concédée comme enclave britannique au milieu du Sénégal alors colonisé par la France.

Des frontières sources d’instabilité

Le tracé géométrique des frontières a été la source de nombreux conflits, notamment au Maghreb, dans la région sahélo-soudanaise ou encore dans la Corne de l’Afrique. Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général de l’ONU, expliquait que « si toutes les frontières sont artificielles, celles des États du continent africain le sont plus que toutes les autres, c’est pourquoi elles contribuent si largement à perpétuer l’instabilité et le sous-développement ».

Au milieu d’un vif débat sur la pertinence de redéfinir les frontières après les indépendances, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’Union Africaine (UA) a tranché la question. En 1964, lors de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements du Caire, l’OUA a imposé « le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État et de son droit inaliénable à une existence indépendante ». Elle a de plus demandé « que tous les États membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ».

Malgré ce parti pris, l’OUA, puis l’UA, ont failli à leur mandat d’œuvrer à la paix sur le continent, notamment par le règlement des différends et conflits frontaliers.

Globalement, aujourd’hui, le débat ne se situe plus au niveau d’un déplacement des frontières, même si des ajustements peuvent être apportés entre certains territoires. D’autres pistes existent pour renouer avec une réalité historique et anthropologique, notamment celle des communautés économiques et monétaires.

Teria News

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