Amnesty International publie un rapport accablant contre l’armée érythréenne, alliée d’Addis-Abeba. L’ONG accuse Asmara de s’être rendue coupable de tuerie de masse dans la province éthiopienne du Tigré déchirée par des combats entre séparatistes et forces loyales au depuis quatre mois.
Massacre, exécutions sommaires, crimes de guerre, l’armée érythréenne est directement indexée par Amnesty international.
Les exactions mentionnées dans le rapport ont eu lieu les 28 et 29 novembre. Des représailles en réaction à une attaque menée par un petit groupe de combattants sur une base érythréenne dans la ville d’Aksoum de la part des troupes érythréennes. Amnesty international estime le bilan à plusieurs centaines de morts. Les faits sont difficilement accessibles, la province du Tigré étant encore largement coupée du monde, ses six millions d’habitants y vivent sans accès au monde ni télécommunications. Amnesty International évoque plusieurs crimes de guerre commis à Aksoum de la part des soldats érythréens.
« Le massacre était la culmination d’une série de violations qui a été précédée de bombardements indiscriminés suivis d’exécutions extra-judiciaires. Durant cette période, les forces érythréennes ont également pillé la ville d’Aksoum à grande échelle et de manière vraiment systématique. »
Amnesty International plaide pour que soit diligentée une enquête des Nations unies. Une requête refusée par Addis Abeba au mois de décembre. L’Ethiopie a rétorqué ne pas avoir besoin de « baby-sitter » pour mener une enquête indépendante.
Une région coupée du monde et un conflit loin des regards
Depuis le 4 novembre en Ethiopie, un conflit sanglant oppose les indépendantistes du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et le gouvernement éthiopien.
Le 28 novembre, après avoir annoncé la prise de Makalé, capitale du Tigré, le gouvernement éthiopien a accepté ouvrir aux ONG l’accès aux zones de combat. Toutefois, dans les faits cet accès demeure difficile. Elles dénombrent des centaines de morts et près de 50 000 réfugiés au Soudan voisin. Un déplacement de population sans précédent depuis deux décennies, selon les Nations unies. A terme, s’il s’enlise, le conflit menace de déstabiliser toute la Corne de l’Afrique.
L’autorité du gouvernement central contestée
Le gouvernement fédéral justifie le déclenchement du conflit par l’attaque des forces du Tigré, le 3 novembre, de plusieurs positions de l’armée fédérale, après une série de provocations. Les autorités locales tigréennes considèrent, elles, que le mandat du premier ministre et des autorités fédérales avait expiré, le gouvernement central ayant reporté la d’élections générales. Prévues se tenir courant 2020, elles ont été repoussées à 2021 à cause de la pandémie de Covid-19.
Le Tigré a alors maintenu ces élections en septembre 2020. Le Sénat les a déclarées « nulles et non avenues ». En représailles, le ministère des finances a transféré une allocation budgétaire, en principe destinée aux dirigeants de Makalé, la capitale du Tigré, aux administrations locales de la région. Le Tigré a jugé que la décision violait le pacte fédéral éthiopien et qu’elle équivalait à une « déclaration de guerre ».
Toutefois cette passe d’armes n’était que la goutte qui a fait déborder le vase. L’explosion couvait depuis l’arrivée du premier ministre Abiy Ahmed en 2018, l’ « homme pressé », prix Nobel de la paix 2019. Sa prise de fonction a vu la fin de la domination du TPLF, au sein de la coalition au pouvoir depuis 1991.
Teria News