Candidat contesté à un troisième mandat, après un coup de force constitutionnel, le Président sortant est à présent accusé de jouer la carte du vote ethnique pour s’imposer lors de la présidentielle du 18 octobre prochain.
Les avocats du Front national de défense de la Constitution (FNDC) dénoncent une stratégie visant à « déporter le débat sur le terrain ethnique ». Mercredi 23 septembre, le Président Alpha Condé, candidat à sa propre succession, a en effet donné une teinte communautaire à sa campagne.
« Cette élection n’est pas seulement une élection, c’est comme si nous étions en guerre », a affirmé en malinké Alpha Condé, qui s’addressait par visioconférence à ses partisans de Siguiri, son fief de l’est. « Les autres candidats ont fait un bloc pour me combattre », a-t-il poursuivi lors de cette allocution diffusée par la télévision nationale. Les onze adversaires du Président guinéen se sont en effet constitués en collectif pour parler d’une seule voix sur le processus électoral. Notons qu’Alpha Condé a exceptionnellement préféré le malinké au français, langue dans laquelle il s’exprime pourtant habituellement à l’occasion d’interventions officielles nationales.
Toujours sur le terrain communautaire, le 19 septembre, dans son premier discours de campagne, également donné en malinké, Alpha Condé avait mis en garde l’électorat de Kankan, dans l’est du pays, contre les conséquences de l’éparpillement de leur vote. « Si vous votez pour un candidat malinké qui n’est pas du RPG, c’est comme si vous votiez pour Cellou Dalein Diallo », a tancé le Président guinéen. « Dans la région du Fouta, il n’y a pas d’autre candidat que Cellou », avait-il appuyé. Alpha Condé faisait référence à son principal adversaire de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), et au Fouta-Djalon, région majoritairement peuplée de peules et bastion électoral de Cellou Dalein Diallo. Les Peuls et les Malinkés forment les deux principales communautés du pays.
La Cour pénale internationale (CPI) prise à témoin
Les avocats français du FNDC, le collectif qui mène depuis un an la fronde contre un troisième mandat du Président guinéen, ont écrit à la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, dans un courrier rendu public, pour faire part de leurs inquiétudes après ces premières déclarations de campagne d’Alpha Condé. « Ces propos traduisent la volonté de Mr. Alpha Condé de déporter le débat sur le terrain ethnique, avec le risque d’alimenter des clivages au sein même de la population », y denoncent les avocats, « Ces éléments nous font sérieusement craindre de nouvelles violences électorales à relent ethnique », poursuivent-ils.
La Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cédéao) valide le fichier électoral
Mercredi 23 septembre, une mission d’experts de la Cédéao a déclaré que les listes électorales permettaient la tenue du vote. Ce fichier avait été contesté par l’Organisation internationale de la francophonie, l’institution dénonçant la présence de deux millions d’électeurs fictifs. L’opposition elle, y voyait une réserve de voix susceptible de faire basculer un scrutin serré en faveur du camp sortant. Après un toilettage imposé par les partenaires internationaux de la Guinée, il passe de 7,7 à 5,4 millions d’inscrits, mais reste contestée par le FNDC.
Le mouvement, qui maintient son boycott de l’élection du 18 octobre, a appelé à la reprise des manifestations à partir du 29 septembre, pour faire barrage à Alpha Condé.
Teria News