Saccage des bureaux de vote, bulletins brûlés, heurts entre électeurs et abstentionnistes, jets de pierre contre les forces de l’ordre, incendies… Le double scrutin a été entaché par les violences.
Des affrontements entre protestataires et forces de sécurité ont fait dix morts dimanche selon le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition composée de la majorité de l’opposition et de la société civile. Le ministère de la Sécurité lui, avance le chiffre de quatre morts. Le FNDC a appelé les Guinéens à « intensifier les manifestations […] lundi 23 mars et mardi 24 mars 2020 avec pour objectif ultime le départ du dictateur Alpha Condé qui est devenu illégitime ». Les troubles ont persisté ces dernières heures dans la région de Nzérékoré, au sud de la Guinée. Suite aux violences de lundi, un couvre-feu y a été instauré. La journée de dimanche a laissé ses marques sur Conakry et dans plusieurs localités de l’intérieur du pays. Ces centres urbains enregistrent d’importants dégâts matériels. Malgré le déploiement massif de la police et de l’armée, le vote n’a pas pu se tenir dans plusieurs localités, et a été clôturé plus tôt que prévu. » J’espère que tout se passera dans la paix et la tranquillité et que le peuple guinéen, comme en 1958, montrera sa maturité « , avait pourtant déclaré Alpha Condé à sa sortie du bureau de vote d’où il venait de voter dimanche.
Du côté de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), on minimise l’ampleur des incidents. Bakary Mansaré, vice-président de l’institution, vante le travail de la Ceni et affirme que » Les élections se sont déroulées dans la sérénité, et les citoyens se sont massivement mobilisés pour satisfaire le droit de vote « .
Le double scrutin s’est tenu sans observateurs internationaux, l’Organisation internationale de la francophonie, la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest, l’Union africaine et l’Union européenne ayant émis des réserves sur le fichier électoral, et déploré le caractère non inclusif de l’élection législative. Le président guinéen a qualifié ces élections de « transparentes et libres ». Près de 2.5 millions d’électeurs fictifs, en doublon, décédés, ou mineurs auraient été retirés du fichier électoral. La veille du scrutin, Alpha Condé a affirmé que » La Commission électorale a adapté le fichier [des inscrits] conformément aux recommandations de l’assistance technique internationale […] qui ont été intégralement prises en compte « . Mais d’aucuns déplorent l’opacité du processus, à l’image de l’opposant et ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo » On n’a aucune preuve que cette opération [de nettoyage du fichier] a été effectuée « .
L’accès à internet a été difficile tout le weekend. Entre samedi et la nuit de dimanche à lundi, Facebook et Twitter étaient inaccessibles sur les deux principaux fournisseurs d’accès MTN et Orange. La société Guilab (Guinéenne de large bande), s’est justifiée en mettant en avant des travaux sur un câble sous-marin à fibre optique, un simple problème « technique qui n’a rien à voir avec la politique ou les élections », mais qui a l’avantage de limiter la circulation de l’information, des appels au boycott ou aux rassemblements contre le pouvoir.
Ce passage en force s’accompagne d’un virage répressif. Vendredi, l’ONG Amnesty international a dénoncé « des rafles aveugles opérées dans des quartiers contestataires de Conakry », des « disparitions forcées » et des « opposants membres du FNDC arbitrairement arrêtés, parfois torturés », à partir de témoignages de parents et de proches. Depuis mi-octobre 2019, au moins 31 civils et un gendarme ont été tués et des dizaines d’opposants ont été arrêtés et jugés.
Dans ce contexte, les chiffres de la participation, particulièrement attendus, tardent à être rendus publics. Alors que la centralisation des votes se poursuit, les résultats sont d’avance dépourvus de légitimité, et l’entêtement du président Alpha Condé cause une polarisation croissante de la Guinée.
Teria News